Il neigeait ce soir-là sur Paris. Travis Kalanick était venu assister à la conférence Le Web avec son ami Garrett Camp. Mais en sortant du centre de conférences, impossible de trouver un taxi. C’est alors qu’ils eurent l’idée d’une application révolutionnaire : commander une voiture depuis leur smartphone en un seul clic. Uber était né.

En décembre 2014, Maurice Levy, l’ancien patron de Publicis, déclarait au Financial Times : « Tout le monde craint de se faire ubériser ».  Depuis, le terme d’uberisation est devenue synonyme de disruption technologique.

Cette notion de  « disruption» avait déjà été théorisée en 1997 par Clayton M. Christensen dans son ouvrage « The Innovator’s Dilemma » qu’il nomme sous un terme plus générique d’ « innovation de rupture ».
En effet, peu de technologies sont véritablement de rupture ou de continuité. Au contraire, c’est leurs usages qui génèrent une rupture. C’est le cas d’Uber, où les clients, lassés de la piètre qualité du service offert par les taxis, étaient prêts depuis déjà quelques années à sauter sur la moindre offre alternative crédible.

Comme Microsoft face à Firefox en 2005, on se trouve ici dans une situation où un nouvel entrant arrive sur un marché mature face à un leader installé mais qui n’est pas motivé pour faire évoluer son service.

 

Nous parlons bien de disruption technologique et non de simple disruption.

En effet, deux écoles s’affrontent : celle de Christensen et celle de Jean-Marie Dru,  le père de ce concept, aujourd’hui Chairman de TBWA (groupe de communication mondial basé à New York).

Pour Christensen, la disruption est uniquement possible pour de nouveaux entrants qui se servent des nouvelles technologies pour proposer des produits ou services moins chers.

Pour Jean-Marie Dru, cela voudrait dire dans ce cas que la disruption ne peut venir que des start-ups. Les spectaculaires réussites d’easyJet, Apple, Xiaomi, Alibaba, Red Bull ou Zappos… ne seraient donc pas comptabilisées comme succès disruptifs.

Aujourd’hui, le terme “disruption” ou “innovation de rupture” est devenu un mot à la mode, un “buzzword” qui a perdu de son sens de par sa sur-utilisation.
Le dirigeant de la Fondation Linux, Jim Zemlin, disait en 2017 lors de l’Open Source Leadership Summit :  « les discours sur l’innovation de l’industrie sont des conneries [bullshit] (…) n’importe qui peut innover, « penser différemment », c’est vide de sens. 99% de l’innovation provient du travail réalisé (…) les projets qui réussissent, c’est 99% de transpiration et 1% d’innovation ».

Oui mais SCRUM dans tout ça ?

 

Lorsque l’on parle de “disruption technologique”, on parle bien entendu de développement informatique, de méthode organisationnelle, de management…

Depuis une quinzaine d’années, de nouvelles méthodologies de gestion des projets IT sont apparues : SCRUM , eXtreme Programming, Kanban, Lean IT… Elles reposent toutes sur le fait de construire le système par petites itérations, de travailler en collaborations avec les demandeurs et d’apprendre de ses erreurs.

Ces méthodologies ont remplacé les méthodes historiques qui montraient leurs limites : équipes métiers et informatique trop éloignées, temps de développement trop longs, taux d’échecs élevés…

Aujourd’hui, la méthode SCRUM s’est imposée dans de nombreuses entreprises et pour de nombreux bénéfices.

En effet, d’après le rapport réalisé en 2017 par l’éditeur VersionOne, SCRUM est de loin la méthode la plus utilisée : 56 % des équipes agiles utiliseraient uniquement cette méthode et 24 % d’entre elles s’en serviraient en parallèle d’autres pratiques agiles comme l’eXtreme Programming.

De plus, d’après l’étude de CA Technologies, une équipe agile stable (qui ne change pas entre les projets) serait 60 % plus productive, 40 % plus prévisible et 60 % plus efficace et rapide pour répondre au changement.

Ces études établissent un bilan positif de l’usage des méthodes agiles et les utilisateurs semblent très majoritairement satisfaits :

  • 84% des sondés constatent une amélioration de la productivité grâce aux méthodes agiles
  • 79% ressentent une plus grande motivation des équipes

 

Il est cependant important de nuancer ce constat qui risquerait d’être caricatural.

Ce n’est pas parce qu’une entreprise est en rupture sur son marché et qu’elle pratique la méthode SCRUM que le succès est garanti. Il suffit de lire l’histoire (tragique) de Take Eat Easy pour s’en rendre compte.

 

De plus, la méthode SCRUM a ses limites : gestion de la qualité, dilution des responsabilités…

Les limites peuvent être aussi d’ordre organisationnel. En effet, la disruption et la méthode doivent être appliquées à l’ensemble de l’entreprise, « Agiles, à tous les étages » comme nous dit Véronique Messager, coach Agile et auteur de nombreux ouvrages sur l’agilité.

 

Enfin, les limites peuvent être d’ordre culturel : manque de synchronisation des spécifications entre des équipes différentes par exemple.

 

Mai il y a aussi ceux qui font de la “disruption” sans s’en rendre compte et pour pour qui les méthodes agiles, ou SCRUM en particulier, n’ont eut aucun impact.
C’est le cas par exemple de Justin Kan qui lança en 2006 la plateforme de streaming video Justin.tv permettant aux membres de diffuser leurs webcams à toute la communauté. Au bout de quelques années, il s’aperçut que son service était utilisé, pour sa grande majorité, par des gamers souhaitant streamer leurs parties. Il créa donc TwitchTV en 2011 afin de regrouper l’ensemble des services de diffusion en continu de jeux vidéo du site. En 2014, Amazon rachète Twitch pour 970 millions de dollars, alors que la société étaient en train de négocier son rachat par YouTube !
On pourrait citer aussi Linus Torvalds qui créa le noyaux Linux au début des années 1990 par pur plaisir ou encore Richard Stallman, le père des logiciels libres, qui avait exposé en 1999 l’utilité d’une encyclopédie universelle et libre donnant ainsi naissance à Wikipédia.

 

Nous voyons donc que la méthode SCRUM peut améliorer grandement la vélocité d’un projet de développement informatique mais qu’elle n’a aucun rôle dans la “disruption” tel qu’on l’entend. En effet, la rupture peut être gérée de différentes façons sans qu’une méthode d’organisation s’impose comme meilleure que les autres. Chaque entreprise, chaque développeur, chacun de nous doit être à la recherche de la méthode la plus pertinente possible pour sa propre organisation sans pour autant calquer un modèle à la mode.

 

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